Mes mots rient

Écrits, songes et correspondances

Tag: Relations humaines

Ce soir là

par aucoindesmots

Ce soir là

Déjà dix minutes que nous marchons l’un à coté de l’autre. Je comble les vides formés par le silence. J’espère ainsi que cela me donnera la motivation pour combler le vide qui sépare ma main de la sienne. Je vois les mètres défiler, la porte de chez elle se rapprocher. Il est plus facile de faire un pas en avant que de faire un pas sur le coté. Déjà quelques semaines que le trouble devient perceptible. Plusieurs soirs que je la raccompagne chez elle et que je ne trouve pas la force.

Quand on ne sait pas, chaque centimètre qui nous sépare de l’être désiré est un câble au dessus d’un gouffre. Vais je tomber ou garder l’équilibre ? Quelques attentions, quelques réactions ont donné un peu de poids à mon balancier. Il m’était cependant incapable d’y trouver de l’assurance. En faisant un pas de coté, allais je trouver du vide où un pont stable ?

C’est la dernière ligne droite avant d’arriver chez elle, ce territoire connu qui a déjà vu plusieurs heures d’échange dans le froid de l’hiver. Plusieurs heures à préférer discuter en sautillant sur nos pieds plutôt que de nous quitter. J’aurai eu plus confiance, j’aurai pris ça pour une preuve d’intérêt, pour un début de quelque chose.

Ce soir, il faut que je me lance. J’ai toujours préféré être sûr de m’écraser plutôt que de ne jamais savoir si le parachute allait se déployer. L’incertitude d’être passé à coté d’un bonheur est pire que la certitude de ne pas le vivre.

Au pas suivant, je lui prendrais la main. Dans 3 portes, je vais la prendre par la taille. Je me maudis d’en être incapable, que ma main soit si lourde à bouger, peut être si lourde de conséquence dans ma tête.

Nous arrivons au dernier virage. Après, la circulation m’empêchera physiquement de me rapprocher, ou alors sur un lit d’hôpital. Il faut que j’ose. Il me faut pouvoir enlever le P qui est depuis trop longtemps devant le mot heureux.

Mon épaule force mon bras qui lui même force ma main qui par obligation, entraîne mes doigts vers sa hanche. J’essaie de faire croire à une main assurée, à une main qui sait ce qu’elle fait. La vérité est toute autre évidement.

Des secondes, des heures à guetter un mouvement, un sursaut, la première réaction, le premier réflexe qui dit tout. Son corps ne peut mentir à ce moment précis. Si elle s’écarte ne serait ce que d’un centimètre de moi, si elle avance un peu plus vite, je serai fixé.

Elle continue comme si de rien n’était. A peine troublée par mon audace. Il ne faut rien montrer, il faut faire genre « c’est cool, tout est normal ». Les femmes aiment cette assurance masculine alors que celle ci n’est souvent qu’une façade. Le timide n’a que très rarement la côte alors qu’il est souvent le plus tendre, le plus attentif une fois en confiance.

A ce moment précis, je passe d’un assurance feinte à une assurance réelle. Elle ne m’a pas rejeté, elle n’a même pas frémi. C’est que tout se passe bien. Je vais pouvoir l’embrasser. Ce sera en bas de chez elle avant de lui souhaiter une belle nuit. Ensuite je repartirai dans le froid extérieur mais bouillonnant de l’intérieur.

Voici sa porte. Ce soir nous ne resterons pas discuter. Il me faut juste concrétiser cet acte de bravoure, cette audace dont j’ai fait preuve au mépris de mille et un dangers imaginaires. C’est le moment.

Rempli de ce courage qu’offre un territoire conquis, j’ose. Ses yeux timides sont baissés. Elle sait évidement ce qui va se passer mais elle fait mine de ne pas en être consciente. Ma main sur son menton l’oblige à plonger ses yeux dans les miens. Je me veux rassurant. Je ferme les miens et m’avance.

Ce soir là, je l’ai embrassé.

76619_10150318357170004_1163029_n

Passeurs de lumière

par Dr Awkward

Différents, nous sommes tous différents. De l’un à l’autre, et d’un moment à l’autre.

Que serait l’existence si nous avions tous les mêmes défauts, les mêmes qualités, les mêmes envies et les mêmes attentes ? Nos forces cumulées seraient inarrêtables, mais la monoculture de nos faiblesses nous mettrait à la merci d’un grain de sable bien (mal) placé.

Condamnés, nous sommes donc tous condamnés à subir nos différences. À chercher qui pourra compléter notre puzzle, à désirer sans retour. D’aucuns appellent ça le sel de l’existence —sans doute pour toute la sueur et les larmes qui en découlent. Mais nous avons bien mieux à faire qu’épuiser nos forces à contre-courant, vain héroïsme et piètre jugement.

Embrassons donc nos différences, nos singularités et la richesse de toutes nos nuances. Que l’abrasion de nos aspérités nous enflamme plutôt que de nous consumer, que la circulation des bonheurs et des possibles attentions nous trouve toujours prêts à donner —et à recevoir.

Soyons des passeurs de lumière.

I remember Tomorrow

par Thanh

The house was noisy and dirty
The kids used to play in the garden (Yes we had a garden)
You told me we won’t have another baby,
You were utterly wrong
They’ve grown up,
The elder went abroad to study
They left home, got married
We spent the rest of our time raising our grandchildren
Your buried me and,
At my funeral you played my favorite playlist
Everyone agreed that I had good taste in music
Some of them whispered that I was also a talented photographer

Tomorrow was just awesome

tomorrow

–Initialement publié .

Train de vie

par Thanh

Le soleil caresse délicatement l’horizon.

Sa lumière est aveuglante et envahit la cabine entière.
Seul assis côté fenêtre, le front collé à la vitre, je ferme les yeux.
Des vagues écarlates traversent mes paupières.
Elles me procurent cette sensation de brume aux teintes orangées.
Je devine les arbres qui se dessinent en ombres chinoises.
Ces paysages, ces territoires, je ne les reverrai plus
Après tout, je n’avais jamais pris le temps de les regarder.
Alors je reste les yeux fermés,
Enveloppé par la chaleur réconfortante de cette brume aux teintes orangées.

Aujourd’hui, mon train arrive en gare.

Enfin ce n’est pas vraiment une gare.

On n’y trouve pas de panneau d’affichage.
On ne sait rien des heures d’arrivée.
On ne sait rien des heures de départ.

Ce n’est pas vraiment une gare.

Mais des passagers attendent.
Certains ne s’encombrent pas de bagages et feront leur premier voyage ;
D’autres attendent une correspondance, avec quelques valises à leurs pieds.

Ce n’est pas vraiment une gare.

Mais des trains s’arrêtent et repartent tous les jours.
Il y a ceux qu’on espère et qui ne viendront jamais.
Et il y a ceux qu’on n’attendait pas.

Je suis dans le dernier wagon.
Seul assis côté fenêtre, je repense au jour où je suis monté dans ce train.
Ce jour appartient à un autre été. Un été qui appartient à un autre siècle.
C’était un temps où l’on s’échangeait une autre monnaie.
Le maillot à coq n’était pas étoilé.
Les gens s’appelaient sur des téléphones qui n’étaient pas mobiles.
Les gens se donnaient des rendez-vous, et ils y allaient.

Nous nous étions donné rendez-vous.

Aujourd’hui, mon train est arrivé en gare.
Je descend. Les bagages sont lourds, la gourde est vide.

Et maintenant ?

Il est temps de changer de train ; de vie.

Initialement publié chez Suteki da ne.