Deux hommes et la mer

par Ka

La première fois je suis venue 
Je suis venue dans la maison 
Il y avait du linge de saison 
Au fil du jardin pendu
Sur la table un village peint
Blanc comme le pain et les mirages 
Le ciel y ressemble à la mer
Les baleines n'ont plus de visage
Un arbre auberge aux oiseaux sages 
Se tord comme une serpillère 
Lavant la rumeur du rivage 
Sur le muret monte le lierre 
Le jasmin et les Ruines-de-Rome
Une amphore embouchure large 
À y faire passer tête d'homme 
Aspire le sort et les orages
la deuxième fois je suis venue 
Je suis venue dans la maison 
Il n'y avait rien que l'horizon 
Au fil du jardin pendu 
Des bouteilles vides le cimetière vain 
Elles ne verront jamais la mer 
L'ivresse qui se passe de verres 
Enterre ses noyés à la main 
Un profond sillon dans la terre 
A ravagé la gorge jaune 
Des iris offertes en aumône
Sur le muret fane le lierre
Plantée dans le massif une ancre
Silence d'un tombeau sous-marin
Pose sur le souvenir le chancre
Le ciel abîme l'homme à la mer
La dernière fois je suis venue
Je suis venue dans la maison
Il y avait au fil du jardin 
Deux vareuses, pendu un marin.