Cavalier

par Ka

Il n’en restait plus qu’un.

Aveugle, il s’en allait

A travers les fumées.

Il avait le galop,

Bancal,

Et la croupe fatiguée.

Ecrasé sous le poids du cavalier fantôme,

Il chantait

Du râle épais des morts

Qui se tiennent debout.

———

Il n’en restait plus qu’un.

Trois autres avaient péri

Sous une pluie funeste

Engloutis, les cruels.

Seul,

Errant sans cavalier

Dans un monde sans substance,

Il portait

Le fardeau

D’un reste de conscience.

———

Il n’en reste plus qu’un.

Les immortels vont seuls

Au milieu des vivants.

Brûlée,

Sa mémoire, en silence,

Rappelle le bruit blanc

Des vallées enneigées.

Est-ce le cavalier,

Le sculpteur de monture

Qui dompte les esprits ?

L’ancien monde s’est éteint

Le nouveau en bourgeons.

L’armure

Pleine de songes

Comme un pantin fantoche,

Il l’entraîne avec lui

Dans l’ultime combat.

Canasson fatigué

Abimé

Hors du monde

Il le rêve licorne,

Faisant de ses stigmates

Les blasons du héros.

Portés par l’espoir fou,

Epouvantails ailés

Ils marchent contre le temps

Comme  font les fantômes

Invisibles,

Et partout à la fois

Leur cœur chante à nouveau.

Mais si le front est haut

Et le regard lointain

Ils foulent encore

Toujours !

La cendre des vieux jours.