Mes mots rient

Écrits, songes et correspondances

Category: Noir

Le reflet de mon âme

par Olivier Ramonteu

 
 
 
 

Etait-ce un arbre au bord de la route ?
U
n grand chêne déployant sa ramure ?
Etait-ce un arbre ? Voilà que j’en doute.
N’était-ce pas plutôt quelque mauvais augure ?
Les serres du destin qu’en mon coeur je redoute ?

Etait-ce un pont par-dessus la rivière ?
L’entrée d’un autre monde, d’une nouvelle vie ?
Etait-ce un pont ou bien une frontière,
La borne d’un pays aux limites finies ?
Etait-ce un pont ou bien une barrière ?

N’était-ce pas une hallucination,
l’étrange mise en forme
de mes inclinations,
le dessin malicieux
de mon âme en ce monde,
étrange mer informe
où se plongent les cieux
pour en renaître, immondes ?

 
 
 
 

On ne bâtit jamais que sur du sable

par Olivier Ramonteu

On ne bâtit jamais que sur du sable. Il connaissait pourtant ce vieil adage. Et pourtant, il avait un jour décidé d’arrêter sa vaine marche en avant, sans but ni horizon. Il avait laissé le chemin continuer devant lui, il avait abandonné dans la nuit des possibles ces croisements et ces voies sans issues. Il avait fait le choix de s’arrêter. Enfin. Au cours des trente-trois années de son existence, il avait chéri sa liberté et le destin auxquels il se remettait corps et âmes. Mais il avait abandonné tout cela. Il avait laissé derrière lui la vieille peau de serpent qui lui permettait de glisser entre les rocs et la poussière du monde, il avait abandonné sa pelisse de vieux loup solitaire qui le réchauffait pendant les nuits d’hiver. Il l’avait fait par amour. Il l’avait fait pour l’amour. A trente-trois ans, il avait sacrifié sa vie. Sa vie d’avant. Sa vie de toujours. Il savait alors que la nouvelle vie qui l’attendait serait plus dure, plus exigeante, mais que ces efforts la rendraient plus belle encore. Il savait qu’elle ne dépendrait plus seulement de lui seul et qu’il faudrait la bâtir avec d’autres mains que les siennes, mais il l’acceptait. Il prit à pleine main la terre qu’il avait foulée jadis et il commença à bâtir, il commença à élever un édifice au-dessus du sentier, au-dessus de l’horizon. Mais alors qu’il construisait cette oeuvre, aveuglé par sa tâche, il oublia d’enlever sa vieille peau de serpent qui traînait encore sur le sol. Et maladroitement, il commença à la recouvrir de glaise et de pierres. Ce n’est qu’au bout de deux années, alors que la sueur ruisselait sur sa peau et que ses muscles se tendaient à se rompre, que celle qu’il aimait tant et avec qui il partageait la boue dont ils enduisaient leurs murs aperçut à ses pieds une étrange toile sèche qui lui était familière. C’était la vieille peau de serpent qu’elle lui avait vu porter lorsqu’ils s’étaient rencontrés. A l’époque, sa surface lisse et froide qui semblait recouvrir des muscles et des nerfs tendus et noués l’avait attirée, mais maintenant, elle paraissait inutile et laide. C’est pourquoi, elle tira sur la peau de toutes ses forces, mais dans cet effort, elle arracha le bas du mur qui soutenait l’édifice. Et c’est sans un bruit, dans un silence surprenant que la tour s’effondra sur elle-même. Il ne restait de tout cela qu’un tas de boue informe et vulgaire. Tout ce qui avait été beau se retrouvait réduit à néant. Puis, passée l’hébétude de la catastrophe, il vit par-dessus le monticule de gravas, le tracé du chemin qu’il avait délaissé jadis. Il revit les ornières, les fossés. Il ne lui restait plus qu’à reprendre son chemin, sans but ni horizon. Il n’avait plus ni sa peau de serpent, ni sa pelisse en peau de loup. Il aurait froid sans doute, mais à cela, il n’accordait plus la moindre importance. Le froid ne mord que ceux qui vivent.

Posologie

par Dr Awkward

Gobez gobez gobez
Mes pilules enrobées
J’ai toutes les formes et les couleurs
Pour vos maux de têtes et de cœur
Pour chasser cette vilaine toux
Pour ne plus penser à rien du tout.
Pansez vos bobos petits et grands
Vos blessures et vos errements
Gobez-les, gobez-les tout rond
Surtout ne croquez pas non
Car sous le sucre des dragées
Le poison se tapit en q.s.p.

La nuit de l’âme

par Dr Awkward

Sombre est la nuit de l’âme
Où se noie toute parole
Et le geste inutile
D’un ami repoussé.

Dans l’étau de ses griffes
L’abandon pour seule issue,
Naufragé de l’espoir
À tous les vents perdus

Car tes larmes stériles ne tarissent
Ni la source ni la plaie
D’où le poison distillé
S’écoule dans tes veines.

Ô bateau ivre de brûlante solitude,
Brisant brisé solitaire et sans but,
Ombre parmi les ombres,
L’infini horizon pourtant se peut approcher.

Et si nul répit ni douceur ne sont à espérer
Nectar trop subtils que ton corps vomirait
Embrasse plutôt et la douleur et les larmes
Alliés blessants que tu t’es attitré

À ton corps et ton âme défendant
À bras-le-corps et à cris s’il le faut
Tord le cou de cette vaine rancœur
La rengaine stérile qui te meurtrit le cœur.

I remember Tomorrow

par Thanh

The house was noisy and dirty
The kids used to play in the garden (Yes we had a garden)
You told me we won’t have another baby,
You were utterly wrong
They’ve grown up,
The elder went abroad to study
They left home, got married
We spent the rest of our time raising our grandchildren
Your buried me and,
At my funeral you played my favorite playlist
Everyone agreed that I had good taste in music
Some of them whispered that I was also a talented photographer

Tomorrow was just awesome

tomorrow

–Initialement publié .

J’ai touché le fond

par Thanh

Il me semble que je tombe depuis une éternité.

La nuit touche à sa fin. L’orbe obscur s’efface, comme drapé par les lumières de ce jour naissant.
C’est alors que j’ai plongé dans l’eau glaciale. La descente est lente, je glisse ; et mes sens tour à tour se taisent face aux hurlements.
Puis un son sourd se fait entendre. Je sens l’onde transperçant mes organes à vif pour aller mourir au creux de mes cellules.
Je suis désormais à nu. Délesté de mon corps terrestre, je me laisse envahir par des particules de limbes.
Je ne sombre plus. J’ai touché le fond. Noir.

Au loin, je perçois un artefact, comme une persistance rétinienne. Est-ce une invitation ?

auriane

Initialement publié chez Suteki Da Ne