Mes mots rient

Écrits, songes et correspondances

La danse du vent – Mémoire

par Moue

Tu étais éphémère. Mais je garde avec moi la mélancolie que tu hululais certaines nuits, tes chants sur la grandeur du ciel et la petitesse de la vie, l’haleine alcoolisée de tes soirs insouciants, tes sourires et tes moues, les piques envoyées au garçon qui te faisait rire, ses mots de toutes les couleurs qui te laissaient bée, la chaleur lorsqu’il t’approchait et le nom que tu chuchotais, tout cela je l’emporte comme une ultime trace de ton existence dans l’Univers.

J’étais ton dernier souffle. Mais je serai aussi ta mémoire, suspendue quelque part entre la matière et la lumière.



Echouer


J’ai vu mon reflet sur le rivage de tes paupières lorsque je suis venue décrocher ta tristesse à l’abandon. Je l’ai vu se déformer lorsque j’ai défait le nœud de ta gorge.

Tout à débordé sur nos joues et coulé le long des chemins escarpés de nos souvenirs, comme une mélodie s’éloignant à pas feutrés.



Pudeur


La nudité est un leurre du corps. Il n’avoue rien d’intime.



Pensée de modèle


Pas d’univers.

Rien de propre, à l’exception d’un nom.

Je suis un fantôme dont le visage se matérialise dans les mains des artisans qui croisent sa route.

Donnez-moi corps.





Lancination


C’est l’histoire d’une solitude qui se contemplait jusqu’à se prendre pour une mélancolie, et n’inspirait qu’à elle-même la pitié avec laquelle elle pensait susciter de la tendresse.

Elle s’imaginait malheureuse, et se jugeait altruiste car malheureuse.
Elle désirait être aimée, et se croyait ainsi aimante.

Son grand cœur n’était qu’un ballon enflé, gonflé de vent, crevant lorsqu’elle l’effleurait pour l’offrir. Sa main tendue avait la forme d’un harpon.



Chère possessivité


Tu nous noues.
Tu nous tues.



2009


J’en sais plus que les autres. Mon prénom leur est inconnu, c’est le prix à payer pour connaître les leurs. Je les vois, tour à tour, façonner un mensonge d’amour dont je subirai l’usure avec toi.

Comment ignorer leurs déclarations tremblantes, vomies passionnément au grand jour. Comment passer outre leur désespoir tapageur. Mon silence se mue doucement en démence.

Je suis malade de n’exister que la nuit.



Vante donc le génie du fleuriste en attendant qu’il t’offre les roses que tu t’accapares. Dehors le vent fait voler les aigrettes, la candeur fleure le chardon.

La danse du vent – Exil

par Dr Awkward

Exil, inexorable déchirement, tu m’emportes à fond de cale. Privée de lumière je tangue, sanglée près du corps, tenue fermement ; tu tiens à moi. Je suis ta précieuse prisonnière, clandestin anonyme d’auguste origine.
Les semaines passent ; te souviens-tu de moi ? J’attends mon heure.

Déliée enfin, déchargée de nuit ; aurais-tu peur de moi ? J’attends toujours au fond de tes souvenirs, accrochée à ta mémoire.

J’use ma jeunesse au milieu de ton harem, te vois passer sans m’approcher ; pourquoi m’ignorer ? J’étouffe ici, ne le vois-tu pas ? Si seulement tu posais tes yeux sur moi mon infortune serait plus supportable…

Enfin mon espoir renaît, ta main s’approche et tu me soulèves —j’exulte après tant d’années loin du soleil et de toi. Heureusement tu prends ton temps, savoure autant que moi ces retrouvailles. Nous communions, les années s’effacent et nous glissent dessus comme la robe de velours que nous portons toutes les deux.
Enfin je me glisse hors de ma prison de verre, tu approches ton visage et je t’offre le parfum du vignoble dont je suis issue.